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L’industrie minière, un secteur porteur

Innovations

L’INDUSTRIE MINIÈRE,
PORTEUSE D’INNOVATIONS

Loin des clichés, l’exploration et l’exploitation des ressources minérales constituent l’un des domaines où la recherche et le développement sont particulièrement actifs. L’industrie minière est un secteur inventif, qui renouvelle sans cesse ses concepts et ses pratiques, pour une exploration plus précise, une exploitation plus efficace, dans des conditions de travail plus sûres, et pour une réhabilitation toujours plus réussie. L’ambition partagée par la profession est de produire les métaux nécessaires à la société d’aujourd’hui et de demain dans des conditions sans cesse améliorées et dans le souci d’une gestion efficiente des ressources.

L’INNOVATION, MOTEUR DES PROGRÈS DU SECTEUR MINIER

Comme tous les secteurs d’activité, l’industrie minière a puisé dans les progrès de toutes les sciences (géologie, informatique, chimie, efficacité énergétique, etc.) et dans de nombreuses innovations, telles que les drones ou la géolocalisation, pour améliorer ses procédés et développer de nouvelles technologies. Il est difficile de choisir parmi les innombrables innovations réalisées ces dernières décennies. Les quelques exemples qui suivent illustrent bien la dynamique constante qui alimente cette activité.

Modélisation du sous-sol.

Une industrie porteuse d’innovations

PHILIPPE GUNDERMANN – Directeur de la Stratégie et des Relations Investisseurs du groupe ERAMET

En quoi l’industrie des mines et de la métallurgie peut-elle être aujourd’hui considérée comme porteuse d’innovation ?

L’industrie minière et la métallurgie constituent aujourd’hui un secteur beaucoup plus innovant que ce que l’on pourrait penser. Si je prends l’exemple d’ERAMET, nous avons la chance d’être positionnés sur des secteurs en pleine croissance tels que le marché de l’aéronautique, très demandeur en métaux et alliages de plus en plus sophistiqués, comme les alliages de titane. Parallèlement nous devons faire face à une concurrence de plus en plus affutée et à des demandes clients de plus en plus exigeantes. La combinaison de ces trois facteurs est un formidable vecteur d’innovation dont ERAMET est pleinement partie prenante.

Parmi nos dernières innovations, je peux vous citer deux exemples emblématiques. Nous avons reçu le Grand Prix de l’Innovation Safran pour la mise au point d’un nouvel alliage capable de réduire de 15% la consommation de carburant des moteurs d’avions.

Nous avons aussi déposé une dizaine de brevets sur un procédé innovant, en particulier sur le plan environnemental, pour l’extraction du lithium en Argentine. Le lithium est indispensable pour toute l’électronique portable.

Ces deux exemples démontrent bien selon moi en quoi le secteur est porté par l’innovation : l’exploitation de gisements plus complexes tant techniquement que du point de vue environnemental, et d’autre part une demande forte de produits et d’applications nouvelles.

L’exploitation minière existe depuis plusieurs siècles. Comment ce secteur peut-il être porteur d’innovations ?

Le secteur de la mine est et restera porteur d’innovation pour diverses raisons : il faut voir qu’aujourd’hui la plupart des gisements de très riche teneur sont en cours ou en fin d’exploitation. L’exploitation minière de demain se fera avec des gisements polymétalliques de plus faible teneur, qui nécessite l’utilisation de procédés innovants de plus en plus complexes. Je peux, par exemple, vous citer le projet Estuaire qui a conduit à la refonte du procédé de notre raffinerie au Havre pour y traiter un concentré nickel polymétallique complexe, à la place de la matte calédonienne qui avait alimenté l’usine depuis plus de 100 ans. Nos équipes de R&D ont développé ce procédé en un temps record.

La mine de demain, c’est aussi l’exploitation de nouveaux métaux comme le lithium, indispensable pour la transition énergétique : stockage de l’énergie, ordinateurs et téléphones portables, voitures électriques, … Comme je le disais précédemment, nous avons déposé une dizaine de brevets sur un procédé innovant, en particulier sur le plan environnemental, pour l’extraction du lithium en Argentine. Ce procédé à haut rendement se distingue aussi par sa productivité supérieure au procédé traditionnel par évaporation.

Ces deux exemples démontrent bien, selon moi, en quoi le secteur est porté par l’innovation : d’une part l’exploitation de gisements plus complexes tant techniquement que du point de vue environnemental, et d’autre part une demande forte de métaux et d’applications nouvelles.

Pouvez-vous nous citer des exemples récents d’innovation chez ERAMET dans le domaine des alliages ?

ERAMET ne manque pas d’exemples d’innovation grâce à ses 260 chercheurs. Un exemple emblématique est la mise au point d’un nouvel alliage entrant dans la composition des moteurs d’avion : le ML 340 pour lequel nous avons reçu le Grand Prix de l’Innovation Safran. Ce nouvel acier ultra-performant destiné aux arbres de turbine des moteurs d’avion permet en effet de réduire la masse et le diamètre des arbres de turbine tout en augmentant le rendement du moteur et en diminuant sa consommation de carburant de 15 % ce qui est un avantage concurrentiel de taille. 15% de gain en énergie c’est énorme !

Toujours dans l’aéronautique, je voudrais également citer la mise au point d’éclisses en aluminium-lithium, qui est un alliage très léger et qui permet également de réduire la consommation de carburant des avions. Les éclisses ? C’est la pièce qui relie l’aile et le fuselage et où diffuse toute la puissance de la propulsion. Autant dire que les spécifications sont perchées. C’est une belle innovation !

Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour sauvegarder l’innovation au sein des entreprises travaillant dans le domaine des métaux non ferreux ?

Je pense que la France a la chance d’avoir un des meilleurs systèmes d’éducation et de formation au monde. Les ingénieurs et les chercheurs français sont très recherchés pour leurs talents et leur capacité d’innovation. A ERAMET, nous cherchons à attirer les élèves des meilleures écoles d’ingénieur au sein de notre centre de recherche, ERAMET Research, situé à Trappes, et qui constitue à mes yeux une véritable pépite pour notre Groupe. Pour moi, il est essentiel de pouvoir garantir des conditions attractives pour nos meilleurs chercheurs.

Outre la formation initiale, une R&D de premier plan passe aussi par des programmes de recherche innovants qui, par construction, sont à gros budget. C’est la raison pour laquelle ERAMET fait aujourd’hui partie de plusieurs consortiums en cours de constitution au niveau européen dans le cadre du programme EIPRM (European Innovation Partnership for Raw Materials) de la Commission européenne. Ou encore l’EIT Raw Materials, programme européen consacré à l’innovation sur les matières premières, où nous sommes très actifs à travers les KICs (Knowledge innovation communities). Il est très important pour nous, entrepreneurs dans le domaine des métaux, d’être partie prenante au sein des instances françaises et européennes pour garantir l’innovation de demain.

Quels sont, selon vous, les sujets porteurs dans le domaine des métaux ?

Parmi les sujets porteurs d’innovation, je pense à la métallurgie des poudres et à l’impression 3D qui permet d’élaborer une pièce complexe sans étape d’assemblage. Cela a l’avantage de réduire le nombre d’étapes d’élaboration de la pièce et d’éviter les pertes de métal au cours de l’usinage. ERAMET est un leader dans ce domaine et y travaille activement depuis plusieurs années avec ses filiales ERASTEEL et Aubert&Duval, leader mondiaux dans la production de poudres atomisées au gaz.

Un autre sujet porteur est celui du recyclage des métaux. Le recyclage est en effet une source de métaux qui poursuit son développement en parallèle de la métallurgie primaire. ERAMET est à la pointe dans ce domaine puisque UKAD, filiale intégrée spécialisée dans le titane, en partenariat avec l’ADEME et le Crédit Agricole vient d’inaugurer EcoTitanium. C’est la première usine de recyclage du titane en Europe pour la filière aéronautique. Elaborer à l’échelle industrielle du métal comme le titane dont le point de fusion est à près de 1800°C, ça nécessite sacrément de l’innovation !

Je voudrais également parler de Metafensch, le nouveau pôle de recherche en métallurgie situé à Florange dont la vocation est de permettre au consortium d’industriels partenaires de progresser dans la métallurgie des poudres et dont ERAMET est un membre actif. Cette union des forces entre acteurs publics et privés permet de garantir notre capacité d’innovation et le maintien de notre niveau d’excellence.

Poste de commande d’un engin de forage utilisé pour l’exploitation souterraine.

Faciliter le développement intégré de la mine

La mise en oeuvre d’une mine est un processus complexe au cours duquel de multiples unités industrielles doivent être conçues parallèlement : géométrie des travaux miniers, volume de roches à déplacer, cadences d’exploitation, usines de traitement du minerai, traitement des eaux et des déchets, réhabilitation du site, etc. Des logiciels ont été conçus pour faciliter la planification et la gestion de toutes ces opérations. Il est ainsi possible de concevoir virtuellement une mine et sa réhabilitation, et de prévoir les travaux miniers en 3D avant même de la construire.

Formation sur le terrain dans une mine à ciel ouvert.

Former en toute sécurité

Avec les systèmes d’entraînement immersif et virtuel, le personnel est formé en toute sécurité avec un réalisme étonnant. En plaçant le travailleur dans des situations auxquelles il pourrait être confronté au cours de sa carrière, ces systèmes lui apprennent à bien réagir et à maîtriser les risques sans s’exposer à un quelconque danger.

Modélisation du sous-sol.

Valoriser les gisements polymétalliques

Avec l’évolution des procédés, nous savons aujourd’hui valoriser plusieurs métaux contenus dans un minerai polymétallique. Cette innovation s’inscrit dans les principes de la mine responsable, qui visent la valorisation la meilleure possible des gisements.

Galeries d'une mine souterraine

Optimiser la ventilation

La ventilation des mines souterraines est une des priorités de toute exploitation souterraine. Un circuit de ventilation est complexe puisqu’il doit maintenir une qualité d’air, une température et une pression adéquates dans chaque zone de a mine. Il est possible d’améliorer l’efficacité énergétique de la ventilation en la limitant aux zones où elle est nécessaire et en adaptant les débits aux besoins. Des logiciels de modélisation des flux d’air et de particules sont utilisés pour cela.

Stérile minier servant à combler les cavités arrivées en fin d’exploitation.

Valoriser les stériles

Utiliser les stériles (roches ne contenant pas de métaux) pour boucher les anciennes cavités présente plusieurs avantages. Dans le cas des mines souterraines, cela limite à la fois les stockages en surface qui modifient le paysage et renforce les cavités pour réduire les risques d’effondrement. Dans les mines à ciel ouvert, les stériles servent à combler, au moins partiellement, la cavité formée par l’extraction, parfois même au fur et à mesure de l’avancée de l’exploitation, ce qui favorise une réhabilitation progressive du site.

Installations souterraines de broyage du minerai.

Réduire les nuisances

Les roches extraites sont d’abord concassées et broyées pour séparer les minéraux qui contiennent les métaux de la gangue. Il s’agit d’une opération bruyante et pouvant produire des poussières. Dans les mines souterraines, ces opérations sont maintenant réalisées sous terre quand cela est possible.
Cela réduit à la fois les nuisances sur l’environnement et la consommation énergétique, puisqu’il n’est plus nécessaire de remonter la totalité des matériaux à la surface.

Engin d’exploitation souterraine en continu.

Exploiter en continu et sans explosif

Dans le cas de roches tendres, de nouvelles machines servent à extraire le minerai en continu. Cette nouvelle méthode vise à améliorer la productivité et la sécurité dans la mine étant donné qu’il n’est alors pas nécessaire d’utiliser des explosifs.

Géomètre effectuant des mesures
dans une zone exploitée en Guyane.
Emplois

DES EMPLOIS DIVERSIFIÉS, MOTEUR POUR L’ÉCONOMIE LOCALE

Partout où elle s’ouvre, la mine est source d’emplois directs et indirects non délocalisables dans des territoires ruraux souvent en quête de diversification économique.

Parce qu’un gisement minier ne peut pas être déplacé, l’industrie minière est une source d’emplois directs et indirects non délocalisables. Elle constitue également le premier maillon de la chaîne industrielle et alimente en métaux un grand nombre de filières aval comme la mécanique, la construction ou encore l’automobile. Chaque ouverture de mine renforce donc le tissu industriel national.

UN LARGE PANEL DE COMPÉTENCES

Dès la phase amont d’exploration, de nombreuses spécialités entrent en jeu pour localiser et caractériser le gisement. Acteur de terrain, le géologue d’exploration a notamment pour mission l’évaluation du potentiel minier d’une région donnée, le choix des cibles pour des études de détail, l’estimation des ressources minérales découvertes, etc. Il fait appel, pour l’aider dans sa mission ou
pour réaliser les études environnementales et économiques, à tout un panel de techniciens spécialisés et d’experts. Lorsque toutes les conditions géologiques, économiques, environnementales et sociétales sont réunies, l’exploitant intervient. Pendant cette phase, les besoins en compétences se multiplient. Outre les métiers liés directement à la production minière (conducteur d’engins, chef de carrière, foreur-mineur boutefeu, métallurgiste, etc.), il faut aussi recruter différents savoir-faire dans les métiers de la maintenance (des machines, des installations, etc.), de la logistique (gestion des stocks, des approvisionnements, etc.) et du  commerce (notamment pour acheter les matériaux utilisés dans la construction de la mine et vendre les produits de l’exploitation).
La phase d’exploitation peut durer de dix à cinquante ans, voire beaucoup plus, comme c’est le cas pour une mine de nickel ouverte il y a cent trente-sept ans en Nouvelle-Calédonie.

Un large éventail de métiers

Chacune des étapes d’un projet minier mobilise un grand nombre de collaborateurs ayant chacun son expertise.

En phase d’exploration :
géologue d’exploration, géophysicien minier, géologue consultant, minéralurgiste (chargé d’extraire les substances utiles du minerai et de fournir un concentré), métallurgiste (chargé de produire les métaux à partir du concentré), consultant étude environnementale, spécialiste de la biodiversité, etc.

En phase d’exploitation :
directeur de mine, conducteur d’engin, technicien de maintenance, minéralurgiste, métallurgiste, géologue d’exploitation, géologue environnement et foncier, ingénieur géomaticien, responsable de logistique, comptable, responsable ressources humaines, etc.

  • Jean-Marc Montel - Directeur de l’École Nationale Supérieure de Géologie (ENSG)

    Une industrie minérale attractive

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    Jean-Marc Montel - Directeur de l’École Nationale Supérieure de Géologie (ENSG)

    Une industrie minérale attractive

    L’ENSG forme des ingénieurs en géologie : combien en sortent chaque année, avec quelles spécialités ?

    Chaque année, 110 à 120 élèves sortent diplômés de l’Ecole Nationale Supérieure de Géologie, après une formation de trois ans, dont le dernier semestre en entreprise. L’école propose différentes spécialités, en industrie minérale, en numérique appliquée à la géologie, en eau et environnement, en ingénierie pétrolière. Sans oublier une spécialisation en géotechnique-génie civil, la plus importante et la plus suivie par les étudiants – une trentaine par promotion. Cet attrait s’explique par l’état du marché de l’emploi, très dynamique dans le génie civil.

    De votre point de vue, quels sont aujourd’hui les débouchés en termes d’emplois dans l’industrie minérale ?

    L’industrie minérale est une industrie qui connaît des cycles. Nous avons vécu une période de forte activité de 2005 à 2011. En 2017, l’industrie minérale est plutôt en bas de cycle, les emplois proposés en France sont essentiellement dans l’exploitation des carrières et dans le domaine du traitement des minerais (amélioration, broyage, etc.), une spécialité reconnue de l’ENSG avec le développement des logiciels qui accompagnent l’industrie minérale.

     Qu’est-ce qui fait l’attractivité de la géologie et de l’industrie minérale ?

    Certains étudiants passionnés viennent pour la géologie en tant que telle et s’orientent ensuite vers l’industrie minière, l’une des activités les plus géologiques. D’autres découvrent cette spécialité durant leurs études. La dimension internationale et le côté explorateur attirent les vocations ! Les profils d’ingénieur-géologue sont aussi appréciés des entreprises dans des secteurs d’activités autres que l’industrie minérale.

     Comment le métier de géologue a-t-il évolué ? Quels profils auront les futurs experts de la mine et des carrières ?

    On assiste à un élargissement des compétences, une évolution souhaitée par la profession et nécessaire. Il ne suffit plus d’être un bon ingénieur, il faut avoir de solides notions en droit, en économie, etc. Le développement du numérique et son appropriation par les ingénieurs dans leur quotidien ont été déterminant dans l’évolution du métier : cette partie très technique est aujourd’hui traitée en grande partie par des logiciels informatiques. Mais un géologue doit aussi tenir compte de l’environnement dans lequel s’inscrit la mine, et notamment des parties prenantes, et il doit inclure les questions de RSE dans ses pratiques. Et les géologues que nous formons se révèlent parfaitement à la hauteur de leurs nouvelles responsabilités !

  • Laura Lemaire - Responsable Sécurité et Environnement, Compagnie Minière Espérance

    Il est indispensable que je sois en lien direct avec le terrain

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    Laura Lemaire - Responsable Sécurité et Environnement, Compagnie Minière Espérance

    Il est indispensable que je sois en lien direct avec le terrain

    A3M : Quel parcours vous a amené à travailler aujourd’hui pour une entreprise minière guyanaise ?

    J’ai suivi une formation d’ingénieur agronome avec une spécialité en environnement et gestion des eaux. J’ai ensuite travaillé pour un bureau d’études en environnement avant de rejoindre la Compagnie Minière Espérance, qui exploite deux mines d’or en Guyane. Mes missions portent principalement sur la gestion des eaux, la revégétalisation de nos anciennes zones exploitées et la sécurité du personnel. Comme il est indispensable que je sois en lien direct avec le terrain, je suis présente une dizaine de jours par mois sur nos mines.

    A3M : En quoi consiste votre poste au sein de la Compagnie minière Espérance ?

    Aujourd’hui, je suis Responsable Sécurité et Environnement pour la Compagnie minière Espérance, qui exploite deux mines d’or en Guyane. La gestion des eaux, la revégétalisation de nos anciennes zones exploitées et la sécurité du personnel constituent la part la plus importante de mes missions. Il est indispensable que je sois en lien avec le terrain, c’est pourquoi je suis présente une dizaine de jours par mois sur nos mines.

    Les sols latéritiques découverts par la déforestation sont très sensibles à l’érosion. Celle-ci peut entrainer le rejet de matière en suspension dans les cours d’eau et asphyxier la faune et la flore. Pour éviter cela, nous luttons contre l’érosion en stabilisant les talus par une couverture végétale. De plus, une quarantaine de bassins assure la décantation des eaux de ruissellement. La surverse d’eau claire s’effectue ensuite dans le milieu naturel et est controlée via des analyses en laboratoire une fois par mois.

    Une fois l’exploitation d’une zone terminée, il est nécessaire de la revégétaliser. En effet, les sols guyanais sont très pauvres lorsqu’ils sont dénudés et la végétation ne peut pas se réinstaller seule rapidement. Nous sélectionnons donc des espèces pionnières locales ayant une croissance rapide et résistantes au plein soleil. Ces plantes sont aussi choisies pour leur capacité à être disséminées par des animaux comme les chauves-souris, ce qui amplifie notre travail de plantation. Une fois les plantes choisies, nous collectons les graines en forêt et faisons grandir les plants dans notre pépinière.

    Les techniques de revégétalisation en forêt amazonienne existent depuis de nombreuses années au Brésil mais sont beaucoup plus récentes en Guyane. Une partie importante de notre travail de revégétalisation consiste donc à adapter les techniques existantes au contexte local, en collaboration avec une entreprise spécialisée, et à rechercher les espèces locales les plus adaptées. Dans certaines zones, les résultats sont spectaculaires et nous arrivons à obtenir une forêt de 4 à 5 mètres de haut en seulement 3 ou 4 ans !

    A3M : L’activité minière est une activité très bien maîtrisée en France, et très encadrée du fait d’une réglementation qui est une des plus strictes au monde. Le suivi du respect de la réglementation fait-il partie de vos missions ?

    Mon travail est très lié au respect du droit de l’environnement et du droit du travail (code de l’environnement, code minier, code du travail). Il y a des réglementations spécifiques pour chaque pan des activités industrielles : par exemple des textes encadrent le stockage et l’évacuation des différents déchets, d’autres concernent les rejets d’eau et précisent la qualité minimale de l’eau rejetée, la fréquence des analyses et les paramètres à étudier, etc. Il faut se tenir informé en permanence des évolutions réglementaires.

    A3M : Toute activité génère des déchets. Comment gérez-vous cette problématique ?

    La Compagnie minière Espérance traite le minerai d’or extrait à l’aide de procédés mécaniques uniquement, sans introduction de produit chimique. Les seuls déchets dangereux que nous avons à gérer sont donc des déchets dus à l’utilisation de nos engins : huiles de moteur, filtres et batteries usagées. Nous en avons d’autres qui ne sont pas classés dangereux (plastiques, pneus, ferrailles, déchets ménagers, …) mais qu’il faut également traiter. Les difficultés que nous pose la gestion de nos déchets viennent donc davantage de l’éloignement de nos mines avec les centres de traitement des déchets que de leurs contenus. Nous faisons partie d’un réseau de collecte que sur le littoral, mais c’est à nous de leur transférer les produits.

    Vous parliez aussi de la sécurité du personnel. Que faites-vous sur ce sujet ?

    La sécurité au travail demande un engagement quotidien pour que chacun garde constamment en tête les consignes de sécurité et les procédures d’urgence. Les équipements de protection individuelle (EPI) doivent être systématiquement utilisés et régulièrement vérifiés. Pour cela, nous organisons régulièrement des formations pour nos employés.

  • Carol Ostorero - Présidente de la Compagnie Minière Espérance et de la Fédération des Opérateurs Miniers de Guyane (FEDOMG)

    Un métier moderne au sein d’une compagnie minière

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    Carol Ostorero - Présidente de la Compagnie Minière Espérance et de la Fédération des Opérateurs Miniers de Guyane (FEDOMG)

    Un métier moderne au sein d’une compagnie minière

    Vous êtes très impliquée dans le développement des activités minières en Guyane et vous dirigez plusieurs structures. Quelles sont-elles ?

    En effet, depuis le décès de mon père en 2001, je dirige avec mes frères plusieurs entreprises minières. Nous avons plusieurs activités comme l’exploration au travers de la Compagnie Minière Espérance mais aussi l’exploitation et la production d’or primaire par la Société des mines de Saint Elie, et enfin, les entreprises Ninor et Gold’or sont spécialisées dans la production d’or alluvionnaire.

    En parallèle, j’ai créé et dirige, avec le reste de ma famille, une vingtaine d’entreprises, dont les activités sont des supports aux sociétés minières (vente et location de matériel – machines ou modulaires, réparation, terrassement spécialisé, transport aérien, conseil administratif et technique,…)

    En outre, Présidente de la FEDOMG (Fédération des Opérateurs Miniers de Guyane) de 2006 à 2010, j’ai été réélue à la tête de la fédération en février 2016 lorsque j’ai pu représenter ma candidature à l’issue de mes mandats politiques. Cette fonction, dont la mission première est la défense des professionnels du secteur minier en Guyane et la promotion de la filière, offre une vision globale de toutes les difficultés rencontrées par cette profession. C’est un challenge de tous les jours et les sujets à traiter ne manquent pas, qu’ils soient réglementaires, économiques, environnementaux ou même sociaux.

    Comment est structurée la filière minière guyanaise ? De combien d’entreprises est-elle constituée et quelle est la taille de ces entreprises ?

    La filière est organisée autour d’une soixantaine de très petites entreprises locales qui exploitent des gisements d’or alluvionnaire, une dizaine de PME qui exploitent l’or alluvionnaire et primaire, et des grands groupes internationaux qui explorent le territoire à la recherche de gisements de classe mondiale. La majorité des entreprises (un peu moins de 70) sont regroupées au sein de quatresyndicats professionnels qui sont affiliés et font partie intégrante de la Fédération des Opérateurs Miniers de Guyane (FEDOMG) que j’ai la chance de diriger depuis bientôt deux ans.

    La filière s’est fixée pour objectifs à court terme la création d’un Comité Stratégique de Filière Régional « Industrie Extractive » (CSFR), la création d’une Ecole Technique des Mines et enfin la création d’une Chambre des Mines et de l’Energie qui regroupera les filières Mine et Pétrole.

    L’industrie minière est connue pour être le deuxième secteur pourvoyeur d’emplois en Guyane, après l’aérospatial. Quel est le nombre d’emploi direct et combien d’emplois indirects sont générés par l’industrie minière ?

    La filière représente, en fonction du nombre de permis octroyés dans l’année, une moyenne de 500 emplois directs. Difficile de dire combien d’emplois sont créés indirectement par la filière, car malheureusement trop peu d’études sont réalisées sur notre secteur d’activité. Nous estimons à trois emplois indirects pour un emploi direct, ce qui représenterait un total de 2 000 emplois.

    L’activité minière, qui se classe juste derrière l’aérospatial, génère un chiffre d’affaires d’environ 40 millions d’euros. Ce chiffre pourrait être beaucoup plus important si la profession ne souffrait pas des complexités et lenteurs administratives mais surtout si l’orpaillage illégal dans le département n’était pas aussi massif et destructeur.

    C’est une filière qui présente un potentiel de développement important puisque plusieurs projets sont en cours de développement. Quels sont les perspectives d’emploi direct et indirect dans les années à venir ?

    Il y a douze zones d’exploration actives, à des stades d’avancement différents, dont deux gisements mis en évidence, Harmony et Montagne d’Or. D’autres projets pourraient voir le jour dans les années à venir si la Guyane est capable d’harmoniser les volontés politique, administrative et publique.

    A terme, la filière pourrait générer de 12 000 à 15 000 emplois directs et indirects, en fonction du résultat des explorations.

    Quand on connait les défis que la Guyane a à relever et le besoin d’emploi estimé à 100.000 postes à l’horizon 2030, il est nécessaire de dynamiser la filière et de faciliter le recrutement en local.

    Aujourd’hui, 50% de la population a moins de 25 ans, le taux démographique est de 7%, le taux de chômage de plus de 22 % et les infrastructures sont inadaptées au territoire ; dans ces conditions, on peut dire que nous pouvons apporter une vraie pierre à l’édifice.

    Quelles sont les actions mises en place par la profession en matière de formations pour faire face aux besoins futurs en termes de recrutement ?

    Plusieurs éléments de réponse : tout d’abord nous avons repris récemment, au vu des projets qui se profilent à l’horizon, la rédaction d’un contrat d’étude prospective sur la filière mine. Ce dernier vise à étudier de manière précise, chiffrée et échelonnée dans le temps les besoins de la filière en termes de formation. Les centres de formation présents en Guyane pourront répondre à une partie des besoins. Pour les autres, nous avons impulsé, aux côtés de l’Université de Guyane, la création d’une licence professionnelle VALORESS (Valorisation des ressources du sous-sol) qui a pour vocation à former des techniciens supérieurs polyvalents : techniciens géologues, techniciens environnement, techniciens d’usine…

    D’un autre côté, nous avons monté un groupe de travail au sein de la FEDOMG pour étudier la possibilité de créer une école technique des mines. Le gouvernement nous accompagne d’ailleurs sur ce projet en finançant l’étude de faisabilité. Nous souhaiterions qu’elle voie le jour dans l’Ouest de la Guyane, au plus près des demandeurs et des grands projets. Cette structure visant une formation professionnelle aura pour objectif l’apprentissage des jeunes aux métiers spécifiques de la mine : ouvriers qualifiés et techniciens supérieurs en production, traitement et remédiation,…

    Quel message avez-vous envie de passer aux jeunes pour les inviter à se former et à travailler dans le secteur minier ?

    Les évènements récents nous ont rappelé que la Guyane est en crise et subit d’un retard structurel très important. Les jeunes, en particulier, souffrent du manque de débouchés à la sortie de l’école. La situation est critique mais remédiable. Nous communiquons auprès d’eux, notamment au travers des actions menées par la Grappe ORkidé, [outil de communication et de valorisation de la filière mine] pour faire connaitre la grande diversité des métiers de la mine. Nous souhaitons leur montrer que chacun d’eux, les hommes comme les femmes, peut trouver sa place et s’épanouir avec un métier moderne au sein d’une compagnie minière. Nous devons aider la jeunesse à dépasser cette image plutôt négative du travail au sein d’une mine, car ce secteur propose plus de 90 métiers différents répertoriés, des postes de bureau à ceux de terrains, des postes techniques aux postes administratifs, des postes accessibles en post-Bac ou à bac+5, il y en a pour tous.

  • Élise Bouchet - Directeur technique du site de Bédarieux, Garrot-Chaillac Industrie

    Je supervise toutes les activités liées à l’exploitation.

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    Élise Bouchet - Directeur technique du site de Bédarieux, Garrot-Chaillac Industrie

    Je supervise toutes les activités liées à l’exploitation.

    Titulaire d’un diplôme d’ingénieur en géologie avec une spécialité mines et carrières, j’ai intégré le groupe Garrot-Chaillac, une société familiale indépendante spécialisée dans la baryte, le manganèse, l’or et la bauxite, en avril 2012. J’ai notamment travaillé sur le projet de la mine de fluorine d’Antully et sur l’exploitation de la bauxite de Bédarieux. Je suis responsable de toutes les activités, de la production au suivi de la maintenance des engins en passant par les relations avec les élus locaux et les riverains. Je m’occupe également des demandes administratives nécessaires aux exploitations. Ma mission principale a été de mettre en place une politique efficace en matière de santé, de sécurité et d’environnement, d’autant que les règles applicables dans ce domaine ne cessent d’évoluer. Être dans un groupe industriel de petite taille, c’est avoir un regard sur toutes ses activités. Être une femme dans un métier majoritairement masculin ? Pour moi, ce n’est pas un problème, je le vois plutôt comme un avantage : je fais passer des décisions en douceur.