Extension d’une maison individuelle ;
architecte Mabire-Reich.
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Les métaux présents au quotidien

Smartphones, électroménager, avions, voitures, éoliennes… les métaux sont présents dans la majorité des objets qui nous entourent. L’économie virtuelle en utilise également de grandes quantités à travers les ordinateurs et supports numériques mais aussi pour le transport et le stockage de l’information.

L’approvisionnement en minerai,
un enjeu stratégique pour la France

Les métaux sont indispensables à tous les produits et services qui font notre quotidien. On les retrouve par exemple dans la construction, les transports, l’électronique ou la production et le transport d’énergie. Ils sont également à la base de l’économie virtuelle, avec une utilisation systématique dans les outils informatiques, les objets connectés ou encore le transport et le stockage de l’information. Ils constituent par conséquent des matières premières essentielles et parfois critiques, particulièrement dans le cadre de la transition écologique et numérique. Leur production, souvent concentrée entre les mains de quelques pays, représente un enjeu stratégique pour notre économie et contribue à la souveraineté nationale.

Les métaux ont tous un jour été produits à partir de minerai. Collectés puis triés convenablement, ils peuvent être recyclés indéfiniment sans perte de propriétés afin de produire de nouveaux biens.

LE RECYCLAGE NE PEUT PAS RÉPONDRE À L’INTÉGRALITÉ DES BESOINS EN MÉTAUX

Compte tenu de la croissance de la consommation de métaux, le recyclage ne peut répondre à lui seul à la demande (voir ci-contre). Le recours à l’industrie minière et aux ressources naturelles primaires est donc incontournable.

En France, le sous-sol contient des ressources minières qui pourraient être davantage exploitées. Plusieurs projets d’exploration sont en cours en métropole et en Guyane pour tenter de mettre en évidence de nouveaux gisements contenant du cuivre, du zinc, du plomb, de l’étain, du tungstène, du niobium, du tantale, du molybdène, du lithium, de l’indium, du germanium, ou encore des
métaux précieux comme l’or et l’argent.

Si l’existence de ces gisements est démontrée, leur exploitation répondrait à une partie des besoins de l’économie française en métaux, améliorerait la balance commerciale en réduisant les importations et créerait localement des emplois. En outre, l’exploitation minière en France favoriserait une logistique courte, ce qui diminuerait l’impact du transport sur l’environnement. Enfin, cette exploitation serait soumise aux exigences françaises qui, en matière de protection sociale et de l’environnement, sont parmi les plus strictes au monde.

L’industrie minière et l’industrie du recyclage :
deux sources d’approvisionnement complémentaires

Jean-François LABBE - Ingénieur, BRGM

Plusieurs chercheurs ont démontré que pour différentes raisons liées à des contraintes physiques (limites techniques du recyclage, pertes de matières liées à l’usure et aux usages dispersifs, etc.) et économiques, le recyclage ne pourra pas répondre à l’intégralité des besoins en métaux.

Comment êtes-vous arrivé à travailler sur ce sujet méconnu du grand public et pourtant essentiel dans le contexte de la transition écologique ?

Très jeune, j’étais déjà intéressé par les minéraux et la géologie. J’ai étudié à l’Ecole des mines de Paris où j’ai choisi l’option Sciences de la Terre. Au cours de la première partie de ma carrière, j’ai travaillé sur de nombreux projets d’exploration minière dans le monde, à la recherche de nouveaux gisements.

Depuis plusieurs années, mon travail est effectivement axé sur la réalisation d’études économiques des marchés des métaux. L’objectif est de mettre en évidence les évolutions de la consommation de différents métaux et de leur production par l’industrie minière et l’industrie du recyclage au niveau mondial.

Quelles sont les principales évolutions observées au cours des dernières décennies ?

Après les trente glorieuses et avant le décollage économique chinois, la croissance mondiale modérée des années 1980-1990, combinée au développement important de nouveaux gisements dans le monde et à la mondialisation des échanges, ont conduit à un marché des métaux excédentaire et à une faiblesse des prix, mouvements accentués par  la chute de l’Union soviétique. Ces tendances ont conduit  les entreprises françaises et européennes à privilégier leur approvisionnement sur les marchés internationaux des métaux. Au cours de cette même période, les quelques dernières mines métalliques en France, souvent de taille modestes et peu concurrentielles, ont fermé.

Mais le fort développement de la Chine depuis les années 2000 et sa demande en métaux ont conduit à des remontées générales des prix à partir de 2003, exacerbées pour certains métaux par une demande accrue dues aux évolutions technologiques.

Ainsi la violente flambée des prix des terres rares en 2010-2011 a fortement contribuer à refaire prendre conscience aux pays développés de la vulnérabilité de leurs économies face à l’achat de certains métaux détenus par un nombre très restreint de pays. Cela les a incités à conduire des réflexions stratégiques sur ce sujet.

Depuis 2010, des préoccupations éthiques sur l’origine des minerais se sont ajoutées, avec le souci d’éviter les zones de conflits armés afin de ne pas les alimenter financièrement.

Au cours des dernières décennies, la désindustrialisation de la France a également conduit à réduire l’extraction et les importations de minerais et la production de métaux en France et à les compenser par des importations de produits manufacturés qui contiennent des métaux. Nous consommons par exemple des écrans plats venant de l’étranger qui contiennent de l’indium mais nous ne consommons pas directement l’indium pour construire ces écrans dans notre pays.

L’ouverture de mines en France remplacerait utilement une partie de ces importations, relocaliserait cette part de production industrielle dans notre pays et contribuerait à réduire d’autant les déficits de la balance commerciale française.

L’autre source d’approvisionnement très importante est le recyclage. Il existe depuis très longtemps pour les métaux majeurs (l’acier, le cuivre, l’aluminium, le zinc, le  plomb, etc.) et continue de se développer pour des métaux aux applications plus spécifiques.

Comment s’équilibrent les offres en métaux provenant de l’exploitation minière et du recyclage ? De nombreux opposants à l’industrie minière estiment que le recyclage pourrait répondre à tous les besoins en métaux et qu’il est désormais inutile, pour ne pas dire nuisible, d’ouvrir des mines en France.

L’équilibre entre industrie minière et industrie du recyclage peut être assez simplement abordé en considérant le stock des produits existants actuellement et qui contiennent des métaux. Ces produits constituent un stock de métaux en usage pour un certain nombre d’années. Celui-ci diminue lorsque l’on jette des produits pour les recycler et augmente quand de nouveaux produits sont fabriqués.

En raison à la fois de l’augmentation de la consommation dans les pays développés, de l’accroissement de la classe moyenne dans les pays émergents, de l’augmentation de la population mondiale et de certaines évolutions technologiques, la quantité de biens matériels (y compris les bâtiments) augmente chaque année dans le monde, et en France. Ce stock de produits en usage, et des métaux qu’ils contiennent, augmente donc chaque année. L’augmentation de ce stock de métaux en cours d’usage ne peut se faire que si on y fait entrer davantage de métaux qu’on en fait sortir.

À partir de là, on comprend bien que le recyclage ne peut pas suffire à fournir la totalité des métaux nécessaires pour répondre à la consommation mondiale. Il faut faire entrer de la matière nouvelle dans les boucles d’approvisionnement et cette matière ne peut provenir que des mines. La boucle de l’économie circulaire n’est pas une boucle fermée mais une boucle ouverte qui a besoin d’un approvisionnement extérieur.

Cependant, le recyclage est indispensable et il faut en poursuivre le développement car il a de nombreuses vertus : il permet de limiter d’autant l’exploitation des ressources minières, de réduire la quantité de déchets qui seraient, autrement, incinérés ou rejetés dans l’environnement, et de minimiser les consommations énergétiques, puisque la production de métaux par recyclage consomme moins d’énergie que la production à partir de minerais.

Quelle est l’importance de l’augmentation de la consommation en métaux ?

Prenons par exemple le cuivre. La hausse de la consommation mondiale en cuivre au cours de 50 dernières années est en moyenne de 2,85 % par an, cela correspond à un doublement de tous les 25 ans environ.

À cette donnée cruciale s’ajoute un autre point important pour comprendre les limites recyclage : le cuivre est immobilisé dans le stock des objets en usage pendant 35 ans en moyenne. C’est-à-dire que lorsque les objets contenant du cuivre arrive dans la chaîne du recyclage, les besoins ont considérablement augmenté.

À partir de ces chiffres, on peut prédire que le recyclage ne pourrait répondre, théoriquement, et au mieux, qu’à 35 % de la demande mondiale en cuivre.

Et à ces limites, il faut également ajouter les limites des procédés de collecte et de recyclage qui ne peuvent pas avoir des rendements de 100%. Ces limites sont en partie prédites par la thermodynamique et malheureusement renforcées par les mauvais gestes de tri des consommateurs. Tout cela réduit encore la part du recyclage dans l’approvisionnement en métaux. Dans les faits, la contribution du cuivre issu du recyclage dans les approvisionnements mondiaux en cuivre n’est que de l’ordre de 17 à 19 % 1.

Ce qui est mis en évidence ici pour le cuivre est bien sûr valable pour l’ensemble des métaux et des autres matériaux.

Les études mettent en évidence que les métaux sont les matériaux les mieux recyclés. Pourtant, les taux de recyclage n’atteignent jamais 100%, c’est-à-dire qu’une tonne de métal jeté ne permet pas de fabriquer une tonne de métal « neuf ». Quels sont ces facteurs limitants auxquels vous faites référence ?

Les facteurs limitants sont notamment la qualité de la collecte et du tri des déchets et la performance des technologies de recyclage, mais aussi le coût de ces opérations : les recycleurs doivent gagner leur vie et le recyclage ne se fait que si les coûts sont inférieurs au prix des métaux sur le marché.

Les technologies n’existent pas toujours ou ne sont pas forcément rentables, en particulier pour tous les métaux présents en très petites quantités dans nos objets. Récupérer les quelques milligrammes d’indium ou de tantale présent dans un téléphone portable est extrêmement coûteux.

De plus, il y a, pour certains usages, des pertes de matières lors de la phase d’utilisation : dans le cas des usages dispersifs (engrais, peintures, …) ou en raison de l’usure des matériaux (usure des plaquettes de freins, rouille, …).

Que pensez-vous de l’idée d’un découplage entre la croissance économique et la consommation de matière qui permettrait d’établir une société durable, sobre dans sa consommation de matière ?

Ce découplage signifierait que la consommation annuelle de matière ne croitrait plus, voire diminuerait, lorsque le produit intérieur brut (PIB) croît.

On constate aujourd’hui un découplage partiel dans le sens où la croissance économique mondiale, en termes de PIB, est supérieure à la croissance de la consommation en matière. Néanmoins, ce découplage est limité et le besoin de matière est chaque année plus important.

Il convient donc d’être prudent face à cette notion de découplage. Même l’économie dite virtuelle s’appuie sur de la matière : ordinateurs, data center, câbles ou installations de télétransmission de l’information, …

Dans le même sens, plusieurs études ont été publiées ces derniers mois sur les besoins en métaux de la transition énergétique.

Ces études mettent en effet en évidence que pour produire une même quantité d’électricité, les énergies renouvelables ont besoin de davantage de matière que les centrales thermiques ou nucléaires.

Quelles conclusions tirez-vous de vos travaux et des différents points que nous venons d’aborder ?

La première conclusion est que nous devons nous préparer à ce que la croissance matérielle globale fléchisse un jour, c’est inéluctable.

Ma seconde conclusion est que nous devons poursuivre nos efforts d’optimisation du recyclage mais nous devons admettre qu’en attendant, la production minière reste indispensable et qu’il convient donc de ne pas se l’interdire, pensant à tort qu’il suffirait, à la place, de recycler. Il conviendra donc de promouvoir l’activité minière (y compris en France), là où se trouvent des gisements, tout en promouvant une responsabilisation sociale et environnementale optimale de cette activité

1 Le calcul des limites de l’apport du recyclage est développé dans l’article de Jean-François LABBE Les limites physiques de la contribution du recyclage à l’approvisionnement en métaux.

Pour en savoir plus :

  • Les limites physiques de la contribution du recyclage à l’approvisionnement en métaux, Jean-François LABBE, Responsabilité & Environnement, février 2016, n°82.
  • L’épuisement des métaux et minéraux : faut-il s’inquiéter ?, Alain GELDRON, Fiche technique, ADEME, juin 2017.

L’innovation et la performance supposent d’avoir accès à toute une variété de métaux

Patrick de METZ - Directeur Environnement, Saft

Saft est un fabricant de batteries connu internationalement. Quel type de batteries fabrique Saft et à quels secteurs d’activité sont-elles destinées ?

Nous fabriquons des batteries industrielles à hautes performances destinées à l’aéronautique et à l’aérospatiale, au ferroviaire, aux réseaux informatiques et à l’industrie. Nous sommes parmi les leaders mondiaux sur chacun de ces marchés.

Nous fabriquons des batteries rechargeables de technologie Nickel, de technologie Li-ion, ainsi que des piles non-rechargeables au lithium, dites « Li primaire ».

Comment se positionnent les activités et les produits de Saft dans le cadre de la transition écologique en cours ?

Notre stratégie suit deux axes : d’une part l’amélioration de la performance intrinsèque de nos produits et, d’autre part, le positionnement de nos produits dans des matériels et applications qui contribuent à une meilleure efficacité énergétique. A propos du premier axe, nos batteries hautes performances offrent de meilleures durées de vie mais également de meilleurs rendements et sont plus légères que celles de nos concurrents, ce qui contribue aussi à améliorer la performance énergétique des appareils qu’elles équipent. Concernant le second axe, je voudrais mentionner par exemple les piles liées au domaine du big data. Nous développons en effet de nouvelles piles destinées aux compteurs délocalisés qui assurent un meilleur suivi des consommations, ce qui peut permettre d’optimiser les usages de l’énergie ou de l’eau.

Quels enjeux rencontrez-vous en matière d’approvisionnement en métaux ?

La fabrication de batteries haute performance implique pour nous d’avoir accès à toute une variété de métaux qui entrent dans la composition des matières actives de nos batteries : lithium, nickel, cobalt, cuivre, fer, manganèse, cadmium, …

Une partie de ces matières provient du recyclage mais il n’existe pas toujours de matières recyclées présentant les propriétés physico-chimiques nécessaires à nos besoins, et dans certains domaines les quantités issues du recyclage sont trop faibles pour permettre de faire face aux besoins en matière premières de nos usines.