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Qu’est-ce qu’un projet minier ?

Entreprise spécialisée
réalisant des sondages miniers.
Explorer

L'exploration minière,
à l'origine de tout projet

Mettre en évidence un gisement de ressources minières exploitables d’un point de vue technique, économique et environnemental : c’est l’objet de l’exploration, qui constitue l’étape préalable à tout projet d’exploitation d’une mine.

Les projets d’exploration exigent de rassembler un vaste panel de compétences : autour de la géologie, bien sûr, avec ses différentes spécialités (métallogénie, minéralogie, géologie structurale, etc.), mais aussi de la connaissance de l’environnement et des milieux, des procédés industriels ou encore du financement de projets industriels. Ces projets sont donc conduits par des équipes spécialisées relevant de compagnies minières juniors (dont l’activité se concentre plutôt sur l’exploration) ou majors (qui exploitent déjà des gisements à travers le monde).

Ces projets sont longs et coûteux, depuis la demande d’un titre d’exploration jusqu’à la finalisation de l’étude démontrant la faisabilité d’une mine. Le processus d’exploration dure généralement de deux à dix ans et plusieurs millions, voire plusieurs dizaines de millions d’euros, sont nécessaires pour caractériser un gisement. Le risque financier est très élevé puisque, selon les connaissances géologiques initiales, seuls 5 à 20% des projets aboutissent. Les investisseurs qui s’engagent dans l’exploration espèrent donc un retour sur investissement important en cas de découverte, afin de couvrir  les pertes liées aux échecs.

Hélicoptère effectuant des mesures géophysiques.

Aujourd’hui, les capitaux mobilisés sont quasi exclusivement étrangers. Du fait de l’absence d’exploitation pendant des décennies sur le territoire métropolitain, les investisseurs français se sont tournés vers d’autres secteurs industriels.

UN LARGE ÉVENTAIL DE TECHNIQUES POUR CARACTÉRISER LE SOUS-SOL

Plusieurs phases se succèdent dans un projet d’exploration, le but étant d’augmenter progressivement les connaissances du sous-sol afin de réduire au fur et à mesure le périmètre d’investigation et, finalement, de cibler un gisement.
La première étape consiste à délimiter une zone à fort potentiel géologique et minier à partir de documents et de données scientifiques existants. Vient ensuite le moment de déposer, auprès du ministère en charge des Mines, une demande de permis de recherche. La compagnie concernée doit alors fournir la preuve de ses capacités techniques, financières et de gestion, ainsi qu’une préétude d’impact environnemental et sociétal. L’exploration à proprement parler commence une fois le permis octroyé. Pour identifier un gisement, trois moyens sont utilisés : les analyses géochimiques d’échantillons de sol, de roches, d’eau ou de végétaux collectés manuellement en surface, les analyses géophysiques (voir page 8), puis les analyses chimiques d’échantillons prélevés en profondeur au moyen de sondages. La réussite d’un projet d’exploration nécessite le recours judicieux à une combinaison de toutes ces techniques. Au stade de l’exploration, les risques d’impact sur l’environnement sont très limités et, dans tous les cas, très encadrés, chacun des travaux miniers étant soumis à une procédure de déclaration ou d’autorisation. La phase d’exploration vise également à acquérir toutes les connaissances indispensables sur l’environnement local afin de concevoir une mine dont l’impact sera le plus faible possible (réseau hydrographique, milieux sensibles, espèces protégées, etc.) et d’envisager l’après-mine avant même le début des opérations.

Les caractéristiques du sous-sol mises en évidence par la géophysique

JACK TESTARD - Président de Variscan Mines

« La géophysique étudie les caractéristiques physiques de la Terre. Elle s’appuie sur différentes techniques de mesure indirectes, c’est-à-dire qui ne nécessitent pas la collecte d’échantillons. À titre d’exemple, la gravimétrie met en évidence des corps lourds ou légers présents dans le sous-sol et la magnétométrie fait apparaître des zones naturelles perturbant le champ magnétique terrestre. Appliquées à l’exploration, ces techniques aident à identifier les secteurs susceptibles de contenir des ressources minérales. Ces mesures sont souvent effectuées depuis un hélicoptère afin de pouvoir couvrir rapidement de grandes surfaces. Ces techniques sont sans danger pour la santé humaine et pour l’environnement. »

Des impacts très limités sur le milieu naturel

DENNIS LAHONDES - Consultant en exploration minérale, Gexplore

« Les activités d’exploration sont temporaires et leur impact sur l’environnement est très limité lorsque les procédures éprouvées sont bien appliquées. La première phase de collecte d’échantillons est effectuée à la surface du sol à l’aide d’un marteau ou d’une tarière. L’analyse de ces échantillons permettra d’établir une carte géologique détaillée de la surface et de repérer des endroits présentant naturellement des concentrations en métaux supérieures à la normale. Ces “anomalies” peuvent correspondre à la présence d’un gisement potentiel. La seconde phase de l’exploration consiste en la réalisation de mesures géophysiques terrestres ou aéroportées (voir page 8). Les sondages miniers sont réalisés ensuite dans l’objectif de collecter des échantillons en profondeur. Les techniques de sondage utilisées sont les mêmes que celles employées pour des forages de recherche d’eau. Les couches du sous-sol traversées sont isolées à l’aide d’un tube en acier intégralement rempli de ciment une fois le sondage terminé afin de parer d’éventuelles fuites et, ainsi, de préserver les nappes aquifères. Aucun produit chimique n’est employé pour cette étape ; l’eau est le seul fluide de forage utilisé. Les boues générées sont récupérées et décantées. Quant aux espaces de travail au sol, ils sont bien délimités et font l’objet, si nécessaire, d’une réhabilitation visant à favoriser leur revégétalisation rapide. »

Les étapes de l’exploration

Pour renforcer la sécurité,
consolidation des parois
d'une galerie.
Exploiter

L’EXPLOITATION MINIÈRE, RESPECTUEUSE DE TOUS

Le but de l’exploitation minière est d’extraire des minerais qui sont ensuite transformés en métaux, dans le respect de l’environnement, de la santé et de la sécurité des personnes et en concertation avec les populations locales.

Le lancement de l’exploitation d’une mine n’est décidé que lorsque plusieurs conditions sont remplies. Parmi celles-ci, la preuve doit être apportée de l’existence d’un gisement suffisamment important, de la rentabilité économique du projet et de la faisabilité certaine d’une exploitation dans des conditions de respect de l’environnement et de sécurité des travailleurs et des riverains. Pour ces raisons, seuls 5 à 20 % en moyenne des projets d’exploration aboutissent à l’ouverture d’une mine. La phase d’exploitation commence par la construction des infrastructures de la mine, qui dure deux ou trois ans au cours desquels le personnel est recruté et formé. L’exploitation peut durer de dix à cinquante ans, voire plus, selon la taille du gisement découvert.

Contrôle visuel du flux de particules de minerai en suspension dans un concentrateur centrifuge sur la mine de Saint-Elie, en Guyane.

LE PROCESSUS D’EXPLOITATION

L’exploitation d’un gisement peut se faire directement depuis la surface (mine à ciel ouvert) ou à partir de puits et de galeries (mine souterraine). Elle consiste à extraire le minerai du gisement et à l’acheminer vers l’usine de traitement – le plus souvent bâtie sur le site lui-même – où il est concassé et broyé en fine poudre. Par différents procédés, les éléments utiles sont séparés du reste de la roche puis traités pour être transformés en métaux. Les roches qui ne contiennent pas les métaux recherchés (ou « stériles ») sont stockées sur site et une partie peut être utilisée pour le comblement d’anciens travaux miniers ou la construction d’infrastructures sur le site.

LA SÉCURITÉ ET LA SANTÉ, UNE PRIORITÉ

La santé, la sécurité des employés et des populations locales, tout comme les enjeux environnementaux, sont pris en compte tout au long du projet. L’objectif est ainsi d’anticiper tous les risques potentiels (émissions de poussières, risques d’effondrement, etc.), de les réduire le plus possible et de maîtriser les risques résiduels tout au long du cycle de vie de la mine. L’activité minière bénéficie d’une très forte expertise en France et est encadrée par une des réglementations les plus strictes au monde : droit du travail, code de l’environnement, code minier. Par exemple, le droit du travail s’applique à l’industrie minière comme à toute l’industrie française et se trouve même renforcé, pour certaines catégories de risques propres aux mines, par des exigences spécifiques.

 

La protection de l’environnement, condition essentielle d’une exploitation responsable

La protection de l’environnement est un impératif pendant toute la durée d’un projet minier. Anticipée dès le début de l’exploration, c’est une des préoccupations centrales de la conception de la mine, étape alimentée par des études d’impact, des études de danger et des études détaillées de la biodiversité, dans le respect de la démarche Éviter – Réduire – Compenser. La conception de la mine est également le moment au cours duquel la réhabilitation du site minier est anticipée, malgré le fait qu’elle aura lieu quelques dizaines d’années plus tard. Lors de l’exploitation et jusqu’à la finalisation de la fermeture du site minier, l’ensemble des activités susceptibles de porter préjudice à l’environnement sont constamment surveillées grâce à des mesures en continu ou régulières des émissions de polluants dans l’eau et dans l’air, des poussières, vibrations, etc.

Un partenariat fructueux pour la nature

RAPHAEL QUESADA - Directeur de l’association Lo Parvi, L’Isle-Crémieu

Le groupe Vicat, exploitant de mines et de carrières, a fait appel à l’association Lo Parvi pour l’aider à la préservation de la Réserve naturelle régionale des Étangs de Mépieu où le groupe Vicat exploite une carrière1. Interview de Raphaël Quesada, directeur de l’association.

Quand est née Lo Parvi (L’épervier), quelle est sa vocation ?

Lo Parvi a été fondée en 1981, elle compte environ 300 adhérents et 6 salariés. L’association est rattachée à la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA), elle-même membre de France Nature Environnement au plan national. Depuis l’origine, sa vocation est de tout mettre en œuvre pour que le patrimoine naturel du nord-Isère soit connu, reconnu et préservé par la population qui vit sur ce territoire. Une démarche qui passe par la connaissance naturaliste (des espèces, des habitats), l’éducation à l’environnement (des jeunes, du public), la sensibilisation (des élus, des administrations), la protection (contractuelle, règlementaire) et le tourisme vert.

Avec le Groupe Vicat, Lo Parvi gère aujourd’hui la Réserve naturelle régionale (RNR) des Étangs de Mépieu : en quoi est-ce un projet de territoire emblématique ?

À la fin des années 1990, le Groupe Vicat souhaitait ouvrir de nouvelles carrières dans l’Isle-Crémieu à proximité de son usine de Montalieu, et s’est rapproché de l’association locale Lo Parvi pour lui confier un état des lieux environnemental de l’ensemble du site potentiel. Après plusieurs années d’études, nous sommes arrivés à convaincre les parties prenantes (Vicat, les élus, l’État) de créer un outil juridique plus approprié à une gestion active de la biodiversité exceptionnelle du site : le 15 novembre 2001, la Réserve naturelle volontaire2 des Étangs de Mépieu était créée sur environ 80 hectares, et sa gestion confiée à Lo Parvi. Le Groupe Vicat a été, et continue d’être un partenaire formidable dans cette aventure. Il généralise aujourd’hui cette approche en France et à l’international : prendre le temps de bien connaître un territoire avant d’y mener un projet industriel, pour anticiper les conséquences de son exploitation. Et protéger la biodiversité là où elle est (zone source pouvant alimenter les zones périphériques), pour faciliter ensuite le réaménagement écologique.

 Quelle est la spécificité géologique du nord-Isère ?

Environ 30% des carrières d’Isère se trouvent sur notre territoire, posé sur un plateau calcaire qui a fortement été affecté par les glaciations. Il présente ainsi beaucoup d’intérêt pour l’industrie des matériaux, avec des carrières de pierre de taille exploitées depuis l’époque romaine, du calcaire à ciment, du calcaire à chaux, de la tourbe, sans oublier du sable et du gravier. De longue date, Lo Parvi s’est impliqué dans la protection des écosystèmes de ce territoire, en nouant des partenariats pour faire évoluer les pratiques industrielles.

Sur quels fondements basez-vous vos relations avec les opérateurs de l’industrie extractive ?

Ce qui prime, c’est la connaissance et la confiance réciproque, ainsi que la recherche de l’intérêt général. Les matériaux de construction sont indispensables à l’économie, et à Lo Parvi nous pensons qu’il vaut mieux savoir d’où ils proviennent, dans quelles conditions sociales et environnementales ils ont été extraits. Du côté des industriels, ils doivent voir dans le mouvement associatif naturaliste un partenaire et non pas un empêcheur d’exploiter. Seuls le dialogue, le respect et la confiance peuvent permettre d’imaginer des solutions ensemble.

Au fil des ans, comment ont évolué les pratiques des industriels ?

Le tournant se situe en 1996, avec la création des Schémas départementaux des carrières. L’évolution de la réglementation a permis de réunir tous les protagonistes autour d’une même table, et de se poser les bonnes questions, avec des perspectives d’extraction à 10-20 ou 30 ans, pour mieux identifier les gisements, s’interroger sur les contraintes pour l’habitat humain, l’eau et la biodiversité. Depuis la fin des années 1990, les industriels ont fait évoluer leurs pratiques, intégrant à leurs projets les contraintes futures en partenariat avec les associations de protection de l’environnement. Les bonnes pratiques se sont multipliées, les mauvais comportements sont montrés du doigt et sanctionnés. La profession s’est vraiment engagée sur un chemin vertueux. Peu d’industries ont pu le faire sur un délai aussi court. La plupart en tire même de la fierté, certains vont jusqu’à nous accompagner dans la défense de dossiers de protection de la nature ! Notre cause avance. Reste à poursuivre les efforts de communication auprès des habitants pour bien expliquer les enjeux de nos actions.

  • La différence entre mine et carrière dépend principalement des substances extraites et de leur cadre juridique respectif. Ces deux types d’exploitation font parties de l’industrie extractive, que l’exploitation soit souterraine ou à ciel ouvert.
  • RNV, devenue Réserver naturelle régionale (RNR) en 2005

À Pézènes-les-Mines, l’exploitation minière a un sens

JACQUES ARBOUY - Maire de Pézènes-les-Mines

Depuis quand les mines font-elles parties de l’histoire de votre commune ?

Jusqu’au début du siècle dernier, la commune s’appelait Pézènes, du nom du seigneur local et de son château, mais quand le courrier postal a commencé à se développer, il y avait fréquemment des confusions entre Pézènes et Pézenas, la grande ville voisine située dans l’Hérault. Vers 1920-1930, le conseil municipal a décidé de rajouter « les-Mines » au nom de la commune en rappel de l’exploitation des mines de bauxite par Péchiney, une ressource économique pour notre territoire.

Depuis quand la mine de bauxite Garrot-Chaillac est-elle ouverte à Pézènes-les-Mines ?

Après le départ de Péchiney, l’exploitation de la bauxite a été reprise par Garrot-Chaillac dans les années 1980, d’abord en valorisant les anciens déchets d’extraction puis, depuis 2013, sous la forme d’une mine à ciel ouvert. Ce qui a nécessité à l’époque une nouvelle autorisation préfectorale et une déclaration d’utilité publique. L’exploitation se déroule depuis 2013 entre Bédarieux et Pézènes-les-Mines, à l’extrémité de notre territoire.

Comment se passe la cohabitation de la mine avec les autres activités locales ?

Elle se trouve sur un site isolé, situé à l’origine en milieu boisé assez éloigné des cultures, des pâturages et des vignes. L’exploitation n’a pas d’impact sur notre territoire, excepté quelques poussières rouges autour du site. L’exploitant limite la poussière et la boue sur les routes d’accès grâce à l’utilisation d’un débourbeur, notamment, et recherche un moyen de limiter davantage les envols de poussières qui touchent, par grand vent, une habitation isolée située près de la mine. D’anciens dépôts de stériles servent de murs anti-bruit et séparent le site minier du reste du territoire.

En 2012, y a-t-il eu une opposition à l’ouverture de la mine ?

Une association de défense de l’environnement, créée sur la commune de Pézènes-les-Mines, est assez vigilante, elle veille au respect de certaines dispositions de l’arrêté d’exploitation sans pour autant être opposée à l’exploitation de la mine.

Quels sont les atouts de la mine pour votre commune ?

D’un point de vue économique, Pézènes-les-Mines reçoit la redevance minière et loue des terrains à Garrot-Chaillac pour le passage des camions et l’exploitation à ciel ouvert.

Par ailleurs, Garrot-Chaillac s’est engagé à réhabiliter les anciennes mines situées dans le périmètre de son titre d’exploitation et qui avaient été laissées à l’abandon par Péchiney, faute à l’époque de dispositions réglementaires favorables à l’environnement. C’est tout bénéfice pour le territoire et laisse entrevoir un bel avenir pour la commune. Aujourd’hui, grâce à la revégétalisation, le paysage revit déjà !

Y a-t-il des échanges réguliers entre l’entreprise et la population de Pézènes-les-Mines ?

Une fois par an, Garrot-Chaillac organise une réunion, dans une salle mise à disposition par la mairie de Pézènes-les-Mines, en présence de la directrice de la mine et du chef de carrière. C’est l’occasion d’échanges d’informations sur le déroulement de l’exploitation, les éventuels problèmes de nuisance, etc. S’il y avait une vingtaine d’habitants lors de la 1ère réunion en 2013, ce nombre est passé à moins d’une dizaine de personnes aujourd’hui.

Les étapes de l'exploitation

L'ancienne mine réhabilitée
du Puy de l'Age.
Reconvertir

LA RECONVERSION, CONDITION INDISPENSABLE À UN PROJET RÉUSSI

La fermeture d’une mine est la dernière grande étape du cycle minier. Elle annonce une nouvelle vie pour le site, qui n’aura été que temporairement exploité et doit être réhabilité après l’arrêt des activités minières.

L’étape de « l’après-mine » est un élément essentiel dans la décision d’ouvrir ou non une mine sur un territoire. Entre autres conditions, l’exploitant doit démontrer qu’il sera en mesure de réaliser une réhabilitation de qualité pour se voir attribuer l’autorisation de construire la mine. La fermeture est donc anticipée très en amont, en accord avec toutes les parties prenantes, afin de prendre en compte les aspects sociaux, économiques et environnementaux de cette phase clé du projet minier.

À l’approche de la fin de l’exploitation, le contenu détaillé et le calendrier du plan de fermeture sont communiqués par l’opérateur aux différentes parties prenantes (administration, collectivités locales, syndicats d’employés, associations concernées, etc.).

L’après-mine se déroule en trois étapes : la préparation de l’arrêt des travaux et l’anticipation de la fermeture, l’arrêt des travaux et la réhabilitation du site et, enfin, la gestion de l’après-mine. L’objectif est de s’assurer que la seconde vie du site se déroulera dans les meilleures conditions pour les collectivités locales et leurs populations, pour l’État et pour l’exploitant.

Processus de revégétalisation après exploitation minière en Nouvelle-Calédonie.

UN PROJET MINIER CONÇU POUR ÊTRE TEMPORAIRE

L’arrêt des travaux d’exploitation et de traitement du minerai signifie le démantèlement et la mise en sécurité de l’ensemble des installations minières. La mise en sécurité vise à réduire le plus possible les risques que pourraient causer les anciennes installations (galeries, fronts de taille, etc.), à achever le stockage pérenne des résidus miniers et, si nécessaire, à mettre en place une gestion des eaux pour l’après-mine. En cas de risques résiduels, une surveillance régulière sera maintenue. Une fois le démantèlement terminé, le site est réaménagé afin de le remettre dans un état le plus proche possible de l’état initial ou dans un état compatible avec la reconversion envisagée avec l’administration et les collectivités locales (utilisation forestière, agricole, de loisir, installation d’énergies renouvelables, etc.), grâce au remodelage des pentes, à la création de plans d’eau, etc. La revégétalisation des sols est une des clés d’un réaménagement réussi (voir ci-contre). Une fois la mise en sécurité et le réaménagement terminés dans les conditions exigées par la police des mines, la gestion de l’après-mine est transférée à la charge de l’État.

 

L’après-mine est également anticipé du point de vue social

La reconversion sociale du site est anticipée par l’exploitant et coconstruite avec les syndicats d’employés. En effet, la reconversion réussie du site passe aussi par la création de nouvelles activités économiques et par la formation des employés en vue de leur nouvel avenir professionnel.

La revégétalisation des sites miniers

Élodie BRUNSTEIN - Directrice et gérante, Solicaz
Alexandre CAILLEAU - Géologue, Compagnie Minière Espérance

Pouvez-vous nous décrire les activités de vos deux entreprises ?

Alexandre CAILLEAU, géologue de Compagnie Minière Espérance : Compagnie Minière Espérance est une PME familiale spécialisée dans l’exploitation de l’or en Guyane. Nous exploitons deux gisements d’or primaire et un site alluvionnaire et employons 70 personnes. Depuis 2012, nous faisons appel à la société Solicaz pour nous accompagner dans la réhabilitation de terrain dont nous avons terminé l’exploitation.

Elodie BRUNSTEIN, Directrice et gérante de Solicaz : Notre société, créée en 2009, est spécialisée sur les méthodes de restauration des écosystèmes et de la biodiversité avec un focus particulier sur la restauration de la fertilisation des sols.

Solicaz est un organisme de recherche privé et dispose à ce titre d’un agrément accordé par le ministère de la recherche. Nous conduisons des activités de recherche appliquée qui s’appuient sur la recherche fondamentale effectuée par nos centres de recherche partenaires afin de rendre utilisables et viables économiquement leurs découvertes en laboratoire. Notre équipe se compose aujourd’hui d’une dizaine de personnes.

Il est maintenant reconnu que le sol n’est pas un simple support mais qu’il est l’un des piliers de la biodiversité et des écosystèmes forestiers. Notre méthode est basée sur le principe du biomimétisme.

On constate, dans la nature, que certaines plantes, appelées plantes fixatrices d’azote, vivent en symbiose avec des bactéries et des champignons installés au niveau de leurs racines. Ces symbioses vont permettre à la plante de capter l’eau et les nutriments dans les profondeurs du sol grâce aux champignons et de fixer l’azote de l’atmosphère grâce aux bactéries. Ces champignons, par leurs filaments, vont aussi développer un réseau de connexion avec les plantes voisines qui seront alors alimentées directement en nutriments.

Nous développons, en Guyane, les techniques s’appuyant sur ce type de symbiose. Elles sont particulièrement pertinentes dans le cas des sols dégradés car elles permettent de restaurer la fertilité des sols en favorisant l’activité biologique du sol et à recréer un couvert végétal qui permettra à un écosystème durable de se développer.

Nous proposons des services d’ingénierie s’appuyant sur des outils d’expertise comme les analyses des sols (profil de sol, analyses bio-physico-chimiques, …) et la sélection et la préparation de plantes en vue de la revégétalisation. Nous avons décliné notre méthode dans trois domaines d’activité : la réhabilitation de sols dégradés par l’industrie extractive, l’agriculture et la production de biomasse énergie.

La forêt amazonienne a pour réputation d’être une forêt dans laquelle la végétation est très vivace. Pourquoi est-il nécessaire de revégétaliser les zones anciennement exploitées ?

A. CAILLEAU : Le retour de la forêt ne peut pas se faire seul pour trois raisons.

Il faut d’abord noter que, dans la forêt amazonienne, la couche de terre végétale, c’est-à-dire la terre fertile, est relativement mince. Une fois cette couche retirée lors de l’exploitation minière, la terre restante, cette terre rouge qui résulte de la dégradation naturelle des roches, est très pauvre, en particulier en azote.

La seconde raison est que la plupart des plantes vivant dans la forêt naturelle vivent à l’ombre des grands arbres, ce sont des plantes forestières. Elles ont donc besoin pour vivre de conditions climatiques (humidité, ensoleillement, température, …) très différentes de celles que présente un sol nu.

Enfin pendant la saison des pluies, l’érosion est très importante et il est nécessaire d’installer rapidement un couvert végétal pour la limiter.

L’objectif de la revégétalisation est donc à la fois d’enrichir les sols, de recréer un couvert forestier qui offrira des conditions favorables aux plantes forestières et de limiter l’érosion.

Une fois ces conditions créées, les animaux reviennent et apportent, avec leurs déjections, les graines d’espèces forestières qui peuvent se réinstaller.

Comment avez-vous sélectionné les plantes que vous utilisez ?

E. BRUNSTEIN : Les plantes que nous sélectionnons doivent répondre à plusieurs critères : elles doivent être des plantes locales (il n’est pas question de prendre le risque d’introduire une espèce qui pourrait s’avérer être envahissante), capables de pousser sur des sols très pauvres, capables de fixer l’azote de l’atmosphère pour enrichir les sols, à croissance rapide (certaines des espèces utilisées poussent de 3 à 4 mètres par an) et elles doivent supporter le plein soleil.

Lorsque nous avons démarré notre activité, nous sommes partis d’une liste de 150 espèces d’arbres établie par des centres de recherche. Nous en avons sélectionné une vingtaine répondant aux critères recherchés et retenu une dizaine à l’issu de tests validés dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité.

Quand avez-vous réalisé les premières plantations et quels résultats observez-vous ?

A. CAILLEAU : Nous avons réalisé les premières plantations sur nos sites en 2012. Sur une bonne partie des zones revégétalisées, les plantations ont été un vrai succès. En effet, au bout de trois ans, une étude indépendante constatait plus de 65% de surfaces régénérées. On y retrouvait une biodiversité assez importante et plusieurs espèces d’oiseaux et de chauves-souris avaient déjà fait leur retour. Aujourd’hui, nos plantations sont devenues une forêt en pleine croissance constituée d’arbres d’une vingtaine de mètres !

Par contre, les résultats sont moins convaincants sur certains secteurs, ce qui nous a demandé un effort de recherche et développement supplémentaire.

E. BRUNSTEIN : Effectivement, dans certaines zones plantées en 2012, la végétation a mis plus de temps que prévu à se développer, voire ne s’est parfois pas développée. Ceci s’explique par le fait que nous manquions à l’époque de connaissances sur les conditions environnementales précises du développement des plantes liées aux caractéristiques physiques des sols. Les expérimentations nous ont donc permis de pallier cette problématique.

Depuis, nous avons donc sélectionné d’autres plantes afin de pouvoir couvrir un plus large spectre de conditions et nous avons aujourd’hui un taux de reprise de nos plantations de 90% !

Est-il possible de revégétaliser tout type de sols ?

E. BRUNSTEIN : En ce qui concerne la réhabilitation de sites miniers, nous nous sommes pour l’instant concentrés sur les sites alluvionnaires. Les analyses de sols que nous réalisons en amont nous permettent de déterminer les caractéristiques des sols (argileux, sableux, …) pour choisir les plantes les plus adaptées.

Nous travaillons maintenant sur la réhabilitation des sites d’exploitations d’or primaire et de carrières. Nous cherchons aussi à proposer de nouveaux services pour les sites en cours d’exploitation : il s’agit de sélectionner des espèces herbacées, par exemple, qui permettent de stabiliser les talus ou de préserver la terre végétale dans l’attente de sa réutilisation en fin d’exploitation. Nous travaillons également sur des plantes capables de se développer sur des sols inondés.

Quelle surface est l’importance des travaux de réhabilitation conduits par Compagnie Minière Espérance au cours des dernières années ?

A. CAILLEAU : Nous avons installé du matériel végétal sur une quarantaine d’hectares en 2017 et nous nous sommes fixés le même objectif en 2018. Les parcelles les plus sensibles à l’érosion ont été couvertes par des mélanges d’herbacées de type graminées et de légumineuses (15 ha), alors que les parcelles alluvionnaires réhabilitées ont été couvertes par des arbres (ingas, clitorias, mombins, palmiers..).

Comment faites-vous pour obtenir les graines et les plantes nécessaires pour revégétaliser 40 hectares ?

A. CAILLEAU : Il est en effet difficile de trouver autant de graines et de plantes auprès des vendeurs, d’autant plus que certaines plantes que nous utilisons ne sont pas commercialisées.

Nous avons donc dû acquérir de nouvelles compétences, très éloignées de notre métier de mineurs. Grâce aux conseils d’Elodie, nous avons appris à collecter les graines des plantes, à les conserver et à les faire pousser en pépinière. Cette année nous avons également investi dans une pépinière de 30 000 plants et recruté un ouvrier agricole.

Nous avons aussi commencé à mettre en place un circuit de collecte de graines de wassaï auprès des producteurs de jus et de confitures locaux. Nous les débarrassons de ces graines et nous les utilisons soit directement pour les plantations, soit comme engrais naturel après les avoir broyées. Nous souhaiterions aussi récupérer les cendres des usines de biomasse… Un début d’économie circulaire au service de la future forêt !

Les étapes de la reconversion